PortraitGalois est certainement un des plus grands mathématiciens du monde. Son apport, sans avoir été reconnu de son vivant à cause de l'incompréhension de ses contemporains, est immense. Galois sut mêler mathématiques et politique et sa vie est aujourd'hui entourée d'anecdotes qu'on ne peut ni valider ni réfuter comme son oral de Polytechnique.
Même sa mort est énigmatique : certains pensent qu'il s'est battu par amour, d'autres qu'il a été victime d'un conflit royaliste. Une autre possibilité serait un suicide arrangé.

Evariste Galois naît à Bourg-la-Reine le 25 octobre 1811. C'est le deuxième enfant de la famille. Son père est maire de la commune et sa mère fille de magistrat. Après avoir appris la latin de sa mère, il entre au lycée Louis le grand à 12 ans avec une bourse. Au bout de quelques années, il s'intéresse surtout aux mathématiques. Il obtient le premier prix au Concours Général mais échoue à l'entrée à Polytechnique.
En 1828, il entre en mathématiques spéciales au même lycée. Il publie un article dans les Annales de Gergonne et rédige un mémoire sur la théorie des équations adressé à l'Académie des Sciences, perdu par Cauchy.
Le 2 juillet 1829, son père se suicide suite à des ennuis avec le curé de la commune (celui-ci écrit des lettres anonymes en les attribuant au père de Galois). Quelques jours plus tard, il échoue de nouveau l'entrée à Polytechnique. On raconte que trouvant les questions de l'examinateur trop simples, il lui aurait jeté un chiffon à la figure. Il entre à l'Ecole Préparatoire (autre nom de l'Ecole Normale Supérieure pendant la Restauration). Il fait en 1830 une nouvelle tentative auprès de l'Académie des Sciences et envoie un nouveau mémoire. Cette fois, celui-ci est confié à Fourier (en tant que secrétaire) mais ce dernier meurt en mai et on ne retrouvera que des fragments du mémoire.
A la même époque, la politique entre dans sa vie. Charles X règne depuis 6 ans et accumule avec ses ministres les décisions impopulaires. Les Trois Glorieuses éclatent en juillet et amènent Louis-Philippe au pouvoir, mais Galois est confiné dans son école. Il adhère alors à l'une des sociétés secrètes contre le gouvernement. Découvert, il est en opposition avec le directeur de l'école, un opportuniste zélé qui met ses élèves à disposition de Louis-Philippe. Galois publie alors deux lettres dans la Gazette des écoles, ridiculisant le directeur et s'attaquant à l'enseignement des sciences. Il est renvoyé de l'école en janvier 1831.
Il continue en autodidacte et adresse le 17 janvier un nouveau mémoire à l'Académie des Sciences. Poisson et Lacroix l'étudient mais le trouvent incompréhensible et le rejettent. Cela ne l'empêche pas de continuer à se battre. Louis-Philippe réforme la Garde Nationale pour la mettre sous son contrôle. Le 9 mai, Galois porte dans un restaurant un toast « A Louis-Philippe », tenant un couteau dans sa main. Il est arrêté le lendemain puis jugé et acquitté le 15 juin. Il expliquera plus tard que ses mots étaient « A Louis-Philippe s'il trahit » mais que la fin de la phrase n'avait pas été entendue par toutes les personnes. Il récidive le 14 juillet, à la tête d'une manifestation. Il est arrêté et condamné le 23 octobre à six mois de prison pour port illégal de l'uniforme. Il continue son travail en cellule, recevant des visites de Nerval et Raspail. Ce dernier le sauvera d'une tentative de suicide au poignard et relatera les paroles de Galois avant la tentative : « Sais-tu de quoi je manque, mon ami ? Je ne l'avoue qu'à toi : c'est que je puisse aimer et n'aimer qu'en esprit. J'ai perdu mon père et personne ne l'a jamais remplacé, m'entends-tu ? ».
Libéré en mai 1832 (après neuf mois au lieu de six), il s'éprend d'une femme, Stéphanie Dumotel (ou du Motel ?), mais rompt deux semaines plus tard. Galois provoque un duel le 30 mai. La nuit précédente, il rassemble ses dernières découvertes dans une lettre adressée à son ami Auguste Chevalier. C'est la base de la légende selon laquelle il aurait fait ses découvertes majeures en une nuit, pris par la fièvre de la mort.
Il perd le duel et est abandonné sur place. Recueilli par un paysan, il meurt le matin du 31 à l'hôpital Cochin, devant son frère cadet Alfred. Enterré à Montparnasse, ses amis profitent des obsèques pour organiser un soulèvement. Il aura lieu le 5 juin, menant au massacre du cloître Saint Merry.

Galois a peu été reconnu pendant sa vie. Toutefois, il a fait de remarquables découvertes. Son premier article date de 1829 et concerne les fractions continues. Liouville découvre ses notes dix ans après sa mort et déclare à l'Académie des Sciences qu'il y a trouvé une solution du problème de la résolution par radicaux. Vers 1850, ses écrits sont accessibles et les travaux de Kronecker, Dedekind et Cayley mènent à l'algèbre moderne. Galois a notamment inventé les groupes de Galois des polynômes (groupes engendrés par les racines d'un polynôme), joignant ainsi plusieurs théories distinctes.
D'une manière générale, c'est même lui qui invente la notion de groupe, en introduisant les nombres imaginaires dans les équations. Sa théorie permet de joindre enfin la géométrie et l'algèbre. Par exemple, on résout des problèmes de longue date comme l'équation générale du cercle. Il résout aussi les équations f(x) = 0 modulo p avec f(x) irréductible.

Galois aura gardé toute sa vie une rancoeur contre les académiciens, à cause de leur incompréhension et de la perte de ses mémoires. Dans un de ses textes, il les attaque durement : « Si j'avais à adresser quelques choses aux grands du monde ou aux grands de la sciences... Je jure que ce ne serait point des remerciements [...]. [Je rêve d'un temps où] l'égoïsme ne régnera plus dans les sciences, où on s'associera pour étudier, au lieu d'envoyer aux académiciens des plis cachetés, on s'empressera de publier ses moindre observations pour peu qu'elles soient nouvelles, et on ajoutera "je ne sais pas le reste" »

Voici la lettre qu'il adresse à son ami avant son duel (extrait) :
Paris, le 29 mai 1832
Mon cher Ami,
J'ai fait en analyse plusieurs choses nouvelles. Les unes concernent la théorie des équations ; les autres les fonctions intégrales. Dans la théorie des équations, j'ai cherché les conditions pour la résolution des équations par des radicaux; cela m'a donné l'occasion d'approfondir cette théorie et de décrire toutes les transformations possibles d'une équation même si elle n'est pas soluble par les radicaux. Tout cela sera trouvé ici dans trois mémoires...
Mes principales méditations depuis quelques temps étaient dirigées sur l'application à l'analyse transcendante de la théorie de l'ambiguïté... Mais je n'ai pas le temps et mes idées ne sont pas encore bien développées sur ce terrain qui est immense...
Je me suis souvent hasardé dans ma vie à avancer des propositions dont je n'étais pas sûr. Mais tout ce que j'ai écrit là est depuis bientôt un an dans ma tête, et il ne serait pas dans mon intérêt de m'exposer au reproche que j'annonce des théorèmes dont je n'ai pas une preuve complète.
Tu prieras publiquement Jacobi ou à Gauss de donner leur avis, non sur la vérité, mais sur l'importance de ces théorèmes.
Après cela, il se trouvera, j'espère, des gens qui trouveront leur profit à déchiffrer tout ce gâchis.
Je t'embrasse avec effusion.

Sources :
Bibmath