Que vous aimiez ou pas les maths, que vous soyez forcé(e) ou non à en faire, et même si vous n'en faites jamais, vous manipulez sans cesse des chiffres. Mais savez-vous d'où ils viennent ?
Les nombres sont compris dans des ensembles qu'on peut imbriquer les uns dans les autres (on dit qu'un ensemble est inclus dans un autre). Voyons-les plus courants du plus petit au plus grand.

Sommaire
Les entiers naturels
Les entiers relatifs
Les nombres décimaux
Les nombres rationnels
Les nombres réels
Les nombres complexes ou imaginaires
Et maintenant ?

Les entiers naturels : ensemble N (pour Naturale, entier en italien)
Les entiers naturels sont les nombres servant à dénombrer, les nombres de base : 1, 2, 3, 4, ... jusqu'à l'infini. Ils sont apparus avec l'écriture pour dénombrer les troupeaux, compter les impôts (qui se payaient pendant l'antiquité en parts des récoltes), ... Ce sont donc les nombres de base des mathématiques. Mais comment les noter ? On trouve des systèmes très complexes, comme les chiffres romains (certains pensent que si les Romains n'ont pas fait de grande avancée mathématique, ce qui est rare pour l'époque, c'est parce que ce système de numération était trop complexe). Mais les système dits positionnels sont apparus très tôt. Il s'agit des systèmes où, comme notre décimal, on dispose d'un nombre fini de symboles qui prennent des valeurs différentes selon leur position. Par exemple dans notre système, le symbole 2 vaut deux s'il est placé à droite mais vaut vingt s'il est placé en avant-dernier...
Bien sûr, il n'y a pas que le système décimal (base 10) : certaines civilisations ont utilisé une base 60, 12, ... Concernant le système décimal, les chiffres qu'on utilise proviennent probablement du Moyen-Orient.
Et concernant le 0, il a été inventé par les Indiens vers le IVème siècle. Pourquoi pas avant ? Le zéro était inutile avant d'utiliser les systèmes positionnels. D'ailleurs, on voit que les Romains n'avaient pas de 0. Mais si l'on veut utiliser un système positionnel, disons le décimal, il devient indispensable. En effet, on peut vouloir écrire le nombre vingt-trois. Puisqu'il contient deux dizaines et trois unités, on l'écrit 23. Quant à deux cent trois, il contient deux centaines et trois unités : on voit ici le besoin du symbole 0 pour indiquer qu'il n'y a pas de dizaine ; sans ce symbole, deux cent trois s'écrirait 23 comme vingt-trois !

Les entiers relatifs : ensemble Z (de Zahl, nombre en allemand)
L'ensemble N est fermé vis-à-vis de l'addition et de la multiplication. En d'autres termes, toute addition ou multiplication de nombres issus de l'ensemble N a pour résultat un nombre du même ensemble. Mais que dire de la soustraction ? On savait ce que faisait 3 - 2 mais, aujourd'hui encore, l'opération 2 - 3 n'est pas abordée en France avant la cinquième. Il apparut donc la nécessité de créer un ensemble : les entiers relatifs, c'est-à-dire les nombres entiers assignés d'un signe : positif ou négatif.
L'ensemble Z est fermé vis-à-vis de l'addition et de la soustraction, qui est l'opération inverse de l'addition. C'est pourquoi on le qualifie de groupe pour l'addition. En revanche, il est fermé pour la multiplication mais pas pour la division. Synthétiquement, on dit que Z est fermé pour la multiplication et est un groupe pour l'addition.
Bien sûr, N est inclus dans Z.

Les nombres décimaux : ensemble D
Les nombres décimaux sont définis comme étant des nombres relatifs multipliés par une puissance négative de 10 : 2,4, -2,05, ... Ils ouvrent la voie vers les rationnels.
Les entiers relatifs sont inclus dans les nombres décimaux. En effet, tout entier relatif s'écrit sous la forme d'un entier relatif (lui-même) multiplié par 100. On a donc : N est inclus dans Z qui est inclus dans D.
Une curiosité sur les nombres décimaux est la différence entre la convention francophone, qui utilise une virgule pour séparer la partie entière de la partie décimale, et la convention anglo-saxone, qui utilise un point. Ce genre de différence entre français et anglais est courant en mathématiques. Par exemple dans Z, un nombre positif en français est un nombre supérieur ou égal à 0 (0, 1, 2, ...) et les nombres négatifs sont (0, -1, -2, ...). Dans la convention anglo-saxonne, les positifs ne commencent qu'à 1 et les négatifs ne vont que jusqu'à -1. « Positif » en français (sous-entendu « positif ou nul ») ne se traduit donc pas en anglais par « positive » mais par « non-negative » !

Les nombres rationnels : ensemble Q (pour Quotiente, quotient en italien)
L'ensemble Q apparaît parallèlement à l'ensemble Z. On parle d'abord de fractions. Les fractions sont alors seulement positives. Elles forment un groupe pour la multiplication et sont fermées pour l'addition. Ainsi, alors que Z améliore N en instaurant un groupe pour la multiplication, Q améliore N en instaurant un groupe pour la multiplication.
Dès lors, on en est venu naturellement à définir des fractions négatives. Autrement dit, on a combiné Z et les fractions pour former les nombres rationnels. Mathématiquement, ils sont définis comme étant des nombres pouvant s'écrire sous la forme a/b où a et b sont des relatifs.
Cet ensemble est complet : il est un groupe à la fois pour l'addition et la multiplication. Ainsi, le problème des quatre opérations de base est résolu : toutes les combinaison sont possibles (sauf la division par 0).
Notons enfin que D est inclus dans Q. En effet, tout nombre de D s'écrit par définition sous la forme a x 10b où a et b sont des relatifs (b négatif). Ce nombre est donc égal à a/10-b. Or a et 10-b sont des entiers relatifs. Donc le nombre en question est un rationnel.

Les nombres réels : ensemble R
Ainsi les mathématiques pouvaient sembler terminées. Mais par-delà l'arithmétique, cette science contient aussi la géométrie. Or celle-ci pose un nouveau problème : prenons par exemple un triangle rectangle isocèle de côté 1. D'après le théorème de Pythagore, le carré de son hypoténuse vaut 2. Mais le nombre dont le carré vaut 2 n'est pas un rationnel (voir démonstration ici). Pourtant, il existe bel et bien : si vous tracez un triangle rectangle isocèle de côté 1, le dernier côté a une longueur bien définie... mais qui ne s'exprime pas en fraction.
Mais la racine carrée n'est pas le seul problème ! La géométrie fit également apparaître les fonctions trigonométriques, qui posent le même problème. Les autres exemples sont nombreux. Ainsi naquirent les nombres irrationnels, c'est-à-dire des nombres dont le nombre de décimales est infini et dont les décimales ne sont pas périodiques : racine(3), pi, e (environ 2,718 pour les non-initiés), cos (pi/5), ... Les nombres irrationnels s'ajoutèrent donc aux rationnels pour former les réels.
Pour finir, il existe deux catégories de réels : les algébriques et les transcendants. Les algébriques sont les réels r tels que a0 + a1r + a2r2 + ... + anrn = 0, avec a0, a1, a2, ..., an rationnels et n entier. Par exemple, c = racine(2) est algébrique car (c)² - 2 = 0. Les transcendants sont simplement les réels non algébriques.
Il serait faux de croire que ces ensembles ont été créés récemment. Les mathématiques se sont en effet vite développées dans l'antiquité et l'ensemble R était déjà connu. On peut donner plusieurs exemples : Aristote montrait l'irrationalité de racine(2) au IVème siècle avant J.C. et les mésopotamiens connaissaient l'ensemble Q, puisqu'ils connaissaient une très bonne approximation de 17/12.
En revanche, le plus vaste ensemble, C, dont je vais parler maintenant, est récent puisqu'il a été inventé par Jérôme Cardan au XVIème siècle.

Les nombres complexes ou imaginaires : ensemble C (si vous ne les connaissez pas : pas de panique, j'explique)
Il reste encore un problème, dû encore aux racines carrées. Prenez l'équation (E) : x² = -1. Au collège, et même jusqu'en seconde, on vous dit « (E) n'a pas de solution car pour tout x, x² est positif ou nul donc x² > -1 ». Puis en première, on commence à dire qu'il existe une solution mais on ne s'aventure pas plus loin. La nouvelle formulation est « (E) n'a pas de solution dans R car pour tout x de R, x² est positif ou nul donc x² > -1 ». Enfin vient la terminale. Enfin, on vous dit la vérité: « (E) admet deux solutions : i et -i ».
Qui est donc ce « i » ? Il s'agit, pour ceux qui n'ont pas atteint la terminale, d'un nombre tel que i2 = -1. Bien sûr, il n'appartient pas à R. On introduit ainsi les nombres complexes : un nombre complexe est un nombre de la forme x + iy où x et y sont des réels (ex : 9 + 10i est un complexe). De cette façon, Cardan découvre enfin les « racines des nombres négatifs » (à mettre entre guillemets car ce n'est pas une formulation mathématiquement rigoureuse). Curieusement, si ces nombres sont aujourd'hui introduits pour les équations du second degré, ce n'est pas pour ces équations que Cardan les a créés, mais pour le troisième degré (voir Les équations du troisième degré).
Les nombres complexes sont aussi appelés imaginaires (d'où la notation i), car les mathématiciens de l'époque n'y voyaient que des intermédiaires de calcul pour résoudre les équations, que l'on devait supprimer dès que possible. On ne leur accordait pas de réelle existence. Et pourtant, ces nombres se sont depuis révélés très utiles pour la géométrie analytique, mais aussi en physique (électricité) !
Il est à noter que R est inclus dans C. En effet, tout réel x s'écrit sous la forme x + 0i. Notons aussi, juste pour le vocabulaire, que les nombres de la forme iy (ou 0 + iy) sont des complexes appelés imaginaires purs.

Et maintenant ?
Qu'apprendre de tout cela ? Que bien des surprises nous attendent encore : on a souvent cru en avoir fini avec les nombres mais il en fallait toujours plus. Comme Pythagore, bouleversé par les nombres irrationnels, plusieurs siècles plus tard, les mathématiciens furent choqués par la définition de i. De nouveaux nombres apparaissent lorsqu'on veut aller plus loin : à partir des naturels, il fallut inventer les relatifs pour avoir une structure de groupe, puis les rationnels pour avoir une structure d'anneau.
Tout cela montre que les mathématiques, même si elles partent de notions réelles et intuitives vont naturellement vers l'abstraction. De nombreux chercheurs créent sans arrêt de nombreux nombres, pas toujours sans signification très intuitive, ne serait-ce que pour travailler en dimension 58 !