Lors du second congrès international de mathématiques, en 1900 à Paris, les participants ont eu droit à une conférence de David Hilbert. Il y a exposé son but ultime, qu'on appelle aujourd'hui « programme de Hilbert » : démontrer que les mathématiques sont cohérentes. Nombreux sont les mathématiciens qui ont poursuivi ce but, jusqu'à ce que Kurt Gödel démontre que c'est impossible...
Mais le discours de Hilbert contenait un autre prédiction qui par contre s'est vérifiée. Dans ce but final de démonstration de la cohérence, Hilbert avait identifié 23 problèmes. 23 questions non résolues qu'il estimait d'une importance capitale pour les mathématiques du XXème siècle. Et effectivement, les recherches du siècle ont pour une large part porté sur ces 23 problèmes.
Ces problèmes sont maintenant appelés « problèmes de Hilbert » (ou parfois mais moins couramment « problèmes de Paris »). Un siècle plus tard, la plupart ont été résolus, et il a donc fallu les renouveler... Mais c'est un autre histoire (celle des problèmes du millénaire), commençons plutôt par voir ces 23 questions fondamentales.

Problème 1 : l'hypothèse du continu
L'objet de base des mathématiques est « l'ensemble » qui formalise l'idée de collection d'objets semblables : l'ensemble N des nombres entiers, l'ensemble des diviseurs de 60, ... Mais dans la vie, il y a deux grands types d'ensembles : ceux qui sont « finis » (ils contiennent un nombre fini d'éléments, par exemple l'ensemble des humains ou l'ensemble des nombres entiers entre 4 et 15) et ceux qui sont « infinis » (on ne pourra jamais lister tous leurs éléments, par exemple N). Et justement cet ensemble N tient un rôle particulier parmi les infinis : c'est le plus petit. On peut montrer que n'importe quel ensemble infini contient une copie de N. Cela a conduit les mathématiciens à considérer parmi les ensembles infinis ceux qui sont « dénombrables », ceux dont on peut numéroter les éléments. Par exemple N : le premier élément est 0, le deuxième est 1, le troisième est 2, ... L'ensemble des multiples de 5 est aussi dénombrable : vous pouvez décréter que le premier est 0, le deuxième est 5, le troisième 10, etc... ce procédé ne s'arrête jamais mais si je vous en donne un, disons 35, vous pouvez me donner son numéro (8). En revanche, l'ensemble infini des nombres réels (R) n'est pas non plus dénombrable : vous aurez beau utiliser toutes les stratégies du monde, vous n'arriverez jamais à attribuer aux nombres réels des numéros entiers.
Si nous résumons la situation, nous avons donc des ensembles finis, puis des ensembles infinis. Le « plus petit » d'entre eux est N, qui vient avec tous les autres dénombrables. Puis encore plus grand, on trouve par exemple R. La question qu'on se pose est alors : R vient-il « juste après » N (est-il le plus petit des ensembles indénombrables ?) ou y a-t-il des ensembles entre N et R ? C'est cette question que l'on appelle hypothèse du continu.
La question est aujourd'hui résolue : ce problème est indécidable (voir cette page).

Problème 2
Les théories mathématiques sont construites à partir d'axiomes, d'idées de base admises. Par exemple en géométrie (euclidienne), un des axiomes dit que par deux points distincts ne passe qu'une droite : c'est une idée tellement intuitive, qui « se voit tellement » qu'on se doit de la poser comme principe de base. Hilbert pensait que les axiomes de l'arithmétique (la plus basique des théories mathématiques) étaient cohérents (on dit aussi parfois consistants, par anglicisme), c'est-à-dire qu'ils n'induisent pas de contradiction, qu'ils ne permettent pas de démontrer une propriété ainsi que son contraire.
La réponse à ce problème a été apportée en 1931 par le second théorème de Gödel. Ce théorème énonce que dans toute théorie contenant l'arithmétique, la cohérence est une question indécidable : on ne peut pas déterminer si elle est vraie ou fausse. Hilbert s'était-il donc trompé ? Tout dépend du point de vue. En effet, le second théorème de Gödel énonce que la cohérence de l'arithmétique est indécidable SI on se limite à l'arithmétique. En revanche, la cohérence de l'arithmétique est tout-à-fait démontrable dans le cadre de théories plus larges, et c'est justement ce qu'a fait Gerhard Gentzen (d'ailleurs un assistant de Hilbert) en 1936 dans un article de Mathematische Zeitschrift.
La question de ce second problème doit donc être précisée :
- Soit elle est de savoir si l'arithmétique permet de montrer la cohérence de l'arithmétique. En ce cas, la réponse est négative.
- Soit elle est de savoir si certaines théories permettent de montrer la cohérence de l'arithmétique. En ce cas, la réponse est positive.
La plupart du temps, on opte pour la première interprétation (et donc on donne tort à Hilbert) car la formulation « l'arithmétique est cohérente » sous-entend par défaut qu'on reste dans le même cadre... Dans tous les cas, la question est résolue !
Je remercie au passage Guillaume Le Blanc pour ses commentaires sur la version précédente de ce paragraphe m'ayant permis d'y corriger une grave faute !

Problème 3
Ce problème concerne les polyèdres, c'est-à-dire les formes en dimension 3 dont les faces sont plates (par exemple les pyramides ou les cubes). La question est de savoir si lorsque l'on prend deux polyèdres de même volume, il est possible d'en décomposer un en morceaux que l'on peut réarranger pour reformer l'autre polyèdre. Hilbert a conjecturé que ce résultat est faux, et avait raison (problème résolu en dès 1900 par Max Dehn, un élève de Hilbert).
Ce problème est souvent présenté comme le plus simple des 23 (c'est en tout cas le plus facilement compréhensible pour les non initiés).

Problème 4
Vous savez que dans la géométrie standard du plan ou de l'espace, celle qu'on appelle euclidienne, le plus court chemin entre deux points est la ligne droite (encore faut-il qu'ils soient bien l'un en face de l'autre, rétorquent certains). Mais il existe d'autres systèmes géométriques (par exemple les géométries non euclidiennes). La question est ici de savoir dans lesquels de ces systèmes cette propriété de la ligne droite reste vraie. Le problème a été résolu par George Hamel, un autre élève de Hilbert.

Problème 5
Certains ensembles en mathématiques sont appelés « groupes de Lie » (en - très - gros, il s'agit d'ensembles où les éléments peuvent être ajoutés et soustraits entre eux, comme les entiers relatifs, et où on peut définir des fonctions continues). La question est de savoir si on peut toujours y faire du calcul différentiel, comme dans R. La réponse est affirmative (1953).

Problème 6
Ce problème n'est pas complètement mathématique.
La physique peut-elle être axiomatisée comme les maths le sont ? La question est depuis l'apparition de la relativité générale et de la physique quantique considérée comme obsolète.

Problème 7
On dit qu'un nombre est algébrique s'il est solution d'une équation algébrique (i.e. avec seulement des puissances de x) à coefficients entiers. Par exemple, la racine carrée de 2 est un nombre algébrique car c'est une solution de l'équation x2 - 2 = 0, tandis que pi n'est pas algébrique. On dit qu'un nombre est irrationnel s'il est impossible de l'écrire a/b, avec a et b entiers.
Il fallait démontrer que si a est algébrique et b est irrationnel, alors ab n'est plus algébrique. Ce problème est partiellement résolu grâce au théorème de Gelfond-Schneider.

Problème 8 : l'hypothèse de Riemann
Ce problème n'a pas été résolu pendant le siècle, et s'est avéré un des plus difficiles... Il a trouvé sa place dans les problèmes du millénaire... Plus de précisions ici.

Problème 9
Il s'agit d'une question d'arithmétique (la loi de réciprocité quadratique) où l'on étudie des nombres premiers et des restes de divisions... La question a été résolue en 1927.

Problème 10
On appelle équation diophantienne (en référence au mathématicien antique Diophante) une équation algébrique (on n'y trouve que des puissances des inconnues) dont les coefficients et les inconnues sont des nombres entiers (relatifs). Par exemple, 4x + 5y = 7 est une équation diophantienne. Les plus simples d'entre elles sont aujourd'hui étudiées en terminale.
Hilbert a demandé de trouver un algorithme permettant de déterminer si une équation diophantienne a des solutions (par forcément de trouver ces solutions, mais de dire s'il y en a). On a montré en 1970 que c'est impossible.

Problème 11
On appelle forme quadratique sur un certain nombre de variables une expression contenant uniquement des carrés ou des produits de deux variables. Par exemple, a2 + 2ab est une forme quadratique, mais pas a3 + 2ab ni a2 + 2a. La question était de trouver un moyen de classifier, caractériser, ces expressions. Le problème a été résolu.

Problème 12
Ce problème porte sur des questions de théorie de Galois, sorte de généralisation des nombres algébriques dont on a parlé. Il a été résolu dans certains cas.

Problème 13
Il s'agit de voir sous quelles conditions une fonction de trois variables f(x,y,z) peut se déomposer comme deux fonctions de deux variables, c'est-à-dire : f(x,y,z) = g(h(x,y),k(x,z)). Ce problème a été résolu par le célèbre Kolmogorov en 1954.

Problème 14
Le domaine concerné ici est plutôt l'algèbre commutative : on s'intéresse à des polynômes et aux manières de les écrire comme sommes finies d'éléments de base. La conjecture énoncée par Hilbert a été contredite par le japonais Nagata en 1959.

Problème 15
L'allemand Hermann Schubert a créé à la fin du XIXème siècle une théorie appelée géométrie énumérative, et consistant à compter les solutions de certaines équations. Hilbert a demandé de formaliser cette théorie, d'en poser les axiomes. Il a été résolu en 1930, et a inspiré d'autres théories et de nombreux mathématiciens, comme Grothendieck.

Problème 16
Ce problème traite d'une certaine catégorie de courbes, dites algébriques (la parabole en est un exemple). Il s'agit d'établir une théorie sur leur forme (en termes savants d'en faire une topologie). C'est encore un problème ouvert.

Problème 17
On appelle fonction rationnelle un quotient de deux polynômes, par exemple f(x) = (x + 3)/(x2 + 3x + 4). On dit qu'une telle fonction est positive si pour n'importe quel x, le calcul f(x) donne un résultat positif. Il s'agissait de démontrer que si f est positive, alors on peut écrire f(x) = g(x)2 + h(x)2 où g et h sont encore des fonctions rationnelles.
Artin a démontré le théorème en 1927.

Problème 18
Ce problème s'intéresse principalement aux polyèdres. Il inclut de plus la conjecture de Kepler, qui énonce que le meilleur moyen d'empiler des sphères (celui qui prend le moins de place) est de former une pyramide comme avec des oranges.
Il a été résolu en trois étapes, en 1910, 1928 puis 1935.

Problème 19
Si vous avez de vagues souvenirs sur la dérivée d'une fonction, sachez qu'on peut généraliser cela aux fonctions de plusieurs variables, avec ce qu'on appelle des dérivées partielles (en gros, on dérive une des variables en gardant les autres). On peut alors former des équations, dites aux dérivées partielles, qui généralisent les équations différentielles de terminale.
Hilbert a demandé de montrer que les solutions de telles équations ont une certaine propriété commune. La réponse a été apportée en 1929, notamment par Bernstein.

Problème 20
Etant donné un cercle dans le plan, on peut considérer une fonction continue sur ce cercle. Dirichlet a proposé un problème considérant à prolonger une telle fonction à l'intérieur du cercle, en impostant certaines conditions. Ce problème, appelé problème de Dirichlet, peut être généralisé. Il n'est que partiellement résolu.

Problème 21
Il s'agit d'une question sur les équations différentielles, plus précisément celles qu'on dit de Fuchs. Le problème est résolu depuis 1957.

Problème 22
Il concerne des fonctions dites complexes, c'est-à-dire que leur argument n'est pas un nombre réel mais un nombre complexe (un couple de réels). Il a été résolu en 1907, notamment par Henri Poincaré que beaucoup considèrent comme l'unique égal contemporain de Hilbert.

Problème 23
Il traite également des variations, comme le problème 19. La question était de trouver une méthode générale pour résoudre les équations. On dispose d'une solution partielle.

Voici donc le statut actuel des problèmes :
Résolu : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 9 - 10 - 11 - 13 - 14 - 15 - 17 - 18 - 19 - 21 - 22
Résolu en partie : 7 - 12 - 20 - 23
Non résolu : 8 - 16
Vous avez donc encore 6 pistes de recherche pour devenir célèbre... Notez que le huitième problème a été reclassé en problème du millénaire, et est donc doté d'un million de dollars...

Source :
The MacTutor History of Mathematics archive