Vous avez appris en première à résoudre les équations du deuxième degré. J'ai déjà expliqué sur une autre page le troisième degré. Il est donc temps de passer au degré 4 ! Il s'agit donc de résoudre l'équation ax4 + bx3 + cx2 + dx + e = 0, où a, b, c, d et e sont donnés, a non nul (sinon l'équation n'est pas du quatrième degré !).
La méthode que je vais décrire est attribuée à Ferrari (1522 - 1565). Pour l'utiliser, vous avez besoin d'une part de savoir manipuler les complexes (en particulier de calculer une racine carrée) et d'autre part de connaître une méthode de résolution du troisième degré.

I) Simplification du problème
La première chose à faire est de diviser l'équation par a (non nul) : on obtient une nouvelle équation x4 + b'x3 + c'x2 + d'x + e' = 0. Posons alors y = x + b'/4. En remplaçant x par y - b'/4 dans l'équation, il se trouve que les termes en y3 vont disparaître : on trouve une équation de la forme y4 + py2 + qy + r = 0.

II) Factorisation de l'équation
Le but du jeu est de ne faire apparaître que des carrés. Pour cela, l'astuce est de constater que pour n'importe quel t, on a y4 = (y2 + t)2 - 2ty2 - t2. En remplaçant dans l'équation à résoudre, on trouve (y2 + t)2 - 2ty2 - t2 + py2 + qy + r = 0, soit (y2 + t)2 = 2ty2 + t2 - py2 - qy - r, ou encore (y2 + t)2 = (2t - p)y2 -qy + (t2 - r).
Dans cette dernière équation, (qui est équivalente à celle qu'on veut résoudre), le terme de gauche est un carré. Si celui de droite en est aussi un, ce sera parfait ! Or si on choisit une valeur pour t, on constate que ce terme de droite est un polynôme du second degré en y. On sait donc qu'il se factorise en carré lorsque son discriminant est nul, et ce discriminant vaut (-q)2 - 4(2t - p)(t2 - r) = -8t3 + 4pt2 + 8rt + (q2 - 4pr).
Puisque notre équation était valable pour n'importe quel t, nous n'avons donc qu'à choisir une bonne valeur de t, ce qui ici revient à dire une valeur de t qui annule -8t3 + 4pt2 + 8rt + (q2 - 4pr). Mais ceci est une équation du troisième degré en t, donc on sait la résoudre (ici) !
En bref, on résoud donc l'équation 8t3 - 4pt2 - 8rt + (4pr - q2) = 0 - en fait pas complètement puisqu'il suffit de trouver une seule solution - puis avec la valeur de t trouvée, on remplace y4 par (y2 + t)2 - 2ty2 - t2 dans l'équation. En simplifiant, on finit par écrire (y2 + t)2 = (my + n)2.

III) Fin de la résolution
On sait alors qu'on a y2 + t = my + n ou y2 + t = -(my + n). On trouve donc deux équations du second degré, qu'on résoud séparément pour trouver au final 4 valeurs de y. Puisqu'on avait au départ x = y - b'/4, il reste à soustraire ce b'/4 aux quatres nombres pour trouver les solutions de l'équation de départ !

IV) Exemple 1
Résolvons : 4x4 + 10x3 - 28x2 - 46x + 60 = 0.
On divise par 4 : x4 + 5/2x3 - 7x2 - 23/2x + 15 = 0.
Pour supprimer la puissance troisième, on pose y = x + (5/2)/4 = x + 5/8. On a donc x = y - 5/8, d'où (y - 5/8)4 + 5/2(y - 5/8)3 - 7(y - 5/8)2 - 23/2(y - 5/8) + 15 = 0.
On développe : (y4 - 5/2y3 + 75/32y2 - 125/128y + 625/4096) + 5/2(y3 - 15/8y2 + 75/64y - 125/512) - 7(y2 - 5/4y + 25/64) - 23/2y + 115/16 + 15 = 0.
y4 - 5/2y3 + 75/32y2 - 125/128y + 625/4096 + 5/2y3 - 75/16y2 + 375/128y - 625/1024 - 7y2 + 35/4y - 175/64 - 23/2y + 115/16 + 15 = 0.
y4 - 299/32y2 - 51/64y + 77805/4096 = 0.
On est ramené à l'équation simplifiée (étape I) avec p = -299/32, q = -51/64, r = 77805/4096.
Pour faire la factorisation (étape II), on doit donc résoudre l'équation 8t3 + 299/8t2 - 77805/512t - 23284503/32768 = 0. On trouve la solution t = 279/64.
On écrit alors y4 = (y2 + 279/64)2 - 279/32y2 - 77841/4096.
On remplace dans notre équation : (y2 + 279/64)2 - 279/32y2 - 77841/4096 - 299/32y2 - 51/64y + 77805/4096 = 0.
(y2 + 279/64)2 = 279/32y2 + 77841/4096 + 299/32y2 + 51/64y - 77805/4096.
(y2 + 279/64)2 = 289/16y2 + 51/64y + 9/1024.
Un coup d'identité remarquable : (y2 + 279/64)2 = (17/4y + 3/32)2.
L'équation est factorisée et on peut passer à l'étape III : on a d'après la dernière affirmation y2 + 279/64 = 17/4y + 3/32 ou y2 + 279/64 = -17/4y + -3/32, c'est-à-dire y2 - 17/4y + 273/64 = 0 ou y2 + 17/4y + 285/64 = 0.
La première équation (second degré) a un discriminant de 1, et on trouve comme solutions 21/8 et 13/8. La seconde équation a un discriminant égal à 1/4 et on trouve comme solutions -15/8 et -19/8.
y vaut donc -19/8, -15/8, 13/8 ou 21/8. On se rappelle que x = y - 5/8 : les solutions de l'équation de départ sont -3, -5/2, 1 et 2.

V) Exemple 2
Résolvons : x4 - 32x2 + 104x - 105 = 0 (Ici, l'étape I est déjà faite).
Pour tout t, on a x4 = (x2 + t)2 - 2x2t - t2.
Pour tout t, notre équation est donc équivalente à :
(x2 + t)2 - 2x2t - t2 - 32x2 + 104x - 105 = 0, ou encore à :
(x2 + t)2 = 2x2t + t2 + 32x2 - 104x + 105.
(x2 + t)2 = (2t + 32)x2 - 104x + (t2 + 105).
Si l'on voit le terme de droite comme un trinôme du second degré en x, son discriminant vaut (-104)2 - 4(2t + 32)(t2 + 105) = 10816 - 4(2t3 + 32t2 + 210t + 3360) = 10816 - 8t3 - 128t2 - 840t - 13440 = -8t3 - 128t2 - 840t - 2624.
Ce terme de droite s'écrira donc comme carré si l'on a -8t3 - 128t2 - 840t - 2624 = 0, ce qui donne entre autres t = -8.
Notre équation est donc équivalente à :
(x2 - 8)2 = (2.(-8) + 32)x2 - 104x + ((-8)2 + 105).
(x2 - 8)2 = 16x2 - 104x + 169.
(x2 - 8)2 = (4x - 13)2.
On obtient ainsi x2 - 8 = 4x - 13 ou x2 - 8 = -4x + 13 soit : x2 - 4x + 5 = 0 ou x2 + 4x - 21 = 0.
La première équation a pour discriminant -4 < 0 : on a deux racines complexes, 2-i et 2+i. La seconde a pour discriminant 100 > 0 : on a deux racines réelles, -7 et 3.
Les solutions de l'équation sont 2-i, 2+i, -7 et 3.

VI) Exemple 3
Résolvons : 3x4 + 12ix3 + (12-18i)x2 + (-72+192i)x + 288+72i = 0 (voilà des coefficients complexes).
D'abord on ramène à 1 le coefficient de x4 en divisant par 3 :
x4 + 4ix3 + (4-6i)x2 + (-24+64i)x + 96+24i = 0.
On a un coefficient 4i devant x3 donc on pose y = x + i. On obtient ainsi :
(y - i)4 + 4i(y - i)3 + (4-6i)(y - i)2 + (-24+64i)(y - i) + 96+24i = 0.
En développant (je ne détaille pas ce calcul), on trouve :
y4 + (10-6i)y2 + (-36+48i)y + (153+54i) = 0.
Autrement dit, on a p = 10-6i, q = -36+48i et r = 153+54i. L'étape II aboutit donc à résoudre 8t3 - 4(10-6i)t2 - 8(153+54i)t + (4(10-6i)(153+54i) - (-36+48i)2) = 0, soit 8t3 + (-40+24i)t2 + (-1224-432i)t + 8424+1944i = 0.
La méthode de Tartaglia-Cardan donne t = 9, on va donc écrire y4 = (y2 + 9)2 - 18y2 - 81. En remplaçant dans l'équation, on trouve :
(y2 + 9)2 - 18y2 - 81 + (10-6i)y2 + (-36+48i)y + (153+54i) = 0.
(y2 + 9)2 = 18y2 + 81 - (10-6i)y2 - (-36+48i)y - (153+54i).
(y2 + 9)2 = (8+6i)y2 + (36-48i)y + (-72-54i).
Ici, la difficulté pour utiliser une identité remarquable est de trouver une racine de 8+6i et -72-54i. On trouve respectivement 3+i et 3-9i (comment calculer la racine carrée d'un complexe ?). On peut vérifier que leur double produit vaut bien 36-48i, d'où la factorisation :
(y2 + 9)2 = ((3+i)y + 3-9i)2.
On finit comme d'habitude :
y2 + 9 = (3+i)y + 3-9i ou y2 + 9 = (-3-i)y + (-3+9i), c'est-à-dire y2 + (-3-i)y + 6+9i = 0 ou y2 + (3+i)y + 12-9i = 0.
On utilise alors le discriminant (là aussi la seule difficulté supplémentaire par rapport à d'habitude est de trouver des racines de complexes). La première équation a pour discriminant -16-30i, qui a pour racine 3-5i, d'où deux racines 3-2i et 3i ; la seconde a pour discriminant -40+42i, qui a pour racine 3+7i, d'où deux racines 3i et -3-4i.
Ainsi y vaut 3-2i, 3i, 3i ou -3-4i. On avait x = y - i, soit au final les solutions : 3-3i, 2i (racine double) et -3-5i.

VII) Et après ?
La formule générale pour le second degré (discriminant) est bien connue, ou devrait l'être :), des élèves de première. Je vous ai donné depuis longtemps sur ce site la formule de Tartaglia-Cardan pour le troisième degré. Maintenant, vous savez aussi tout sur le quatrième degré, qui d'ailleurs utilise les formules des degrés inférieurs.
Quand vais-je donc vous expliquer comment, en combinant les formules des degrés 2, 3 et 4, résoudre les équations de degré 5 ? Jamais, car je ne m'appelle pas Wronski. Ce mathématicien avait donné en 1827 (dans Canon des logarithmes) une telle formule. Sauf qu'Abel et Galois ont démontré qu'une telle formule n'existe pas. Wronski nous fournit donc un bon exemple pour l'histoire des maths : bien qu'elles soient « école de rigueur » selon l'introduction des programmes de l'Education Nationale, bien que les matheux s'acharnent à démontrer frénétiquement ce qu'ils énoncent, ils ne sont pas à l'abri de raisonnements erronée !
Ce qu'on sait d'Abel et Galois, c'est qu'avec les seules opérations algébriques (somme, produit, racines), il est impossible d'écrire une formule donnant les solutions d'une équation de degré 5 ou plus en fonction des coefficients... Je m'arrêterai donc modestement à cet article sur le degré 4, mais si vous avez suivi jusque là, c'est déjà pas mal !

Sources :
ChronoMath
Wikipédia