Localisation de SamosLa vie de Pythagore est assez mystérieuse et des récits vont même jusqu'à lui attribuer des pouvoirs comme le don d'ubiquité ! Il n'a laissé aucun texte écrit et sa pensée n'a été transmise qu'oralement pendant deux siècles. Et plus le temps a passé, plus les récits qu'on faisait de lui étaient farfelus. Même Aristote, qui parle pourtant de pythagorisme, ne cite jamais Pythagore. Ainsi, il est difficile de séparer sa véritable histoire de la légende. Cependant, il semble avoir réellement existé.

Il serait né vers 580 av. J.C. sur l'île de Samos (d'où son vrai nom Pythagore de Samos) vers les villes de Milet et Ephèse. Son père Mnésarchos était graveur de pierres précieuses. Selon la légende, sa mère Parthénis descendrait d'Ancée, fils de Zeus et fondateur de Samos. Certains pythagoriciens affirmaient même que son âme avait habité plusieurs corps pendant 216 (soit 6 au cube) ans.
Pythagore aurait vécu son enfance et son adolescence autour de Samos, instruit par d'illustres maîtres. Plusieurs sources indiquent qu'il a participé à des Jeux Olympiques où il aurait été champion de lutte, gagnant ses combats grâce à la ruse. Selon Jamblique (philosophe grec du quatrième et troisième siècles avant J.C.), Thalès lui aurait enseigné tout son savoir avec son disciple Anaximandre. Thalès aurait dit de lui : « Ni mes facultés intellectuelles ni ma science, fruit de longues études, n'égalent ce que je peux percevoir en lui ».
Puis Pythagore entreprend un long voyage qui commence à Sidon où des prêtres l'initient aux rites pratiqués en Syrie (Byblos, Tyr, ...), dans la perspective de poursuivre des études philosophiques et scientifiques. C'est là que selon la légende il accomplit son premier miracle : franchir d'un bond la gorge entre deux montagnes (Mont Carmel). Il part pour Naucratis, cité grecque en Egypte.
Les Grecs y sont généralement mal vus car les coutumes et habitudes quotidiennes des deux peuples diffèrent largement. L'hygiène égyptienne est par exemple réputée meilleure, en tout cas les Egyptiens voient les Grecs comme sales. Pythagore se distingue toutefois car il fait un pas vers cette autre culture en apprenant leurs usages. C'est ainsi qu'il est remarqué par le pharaon, Amasis, qui le prend en amitié et lui donne accès aux ressources de ses prêtres. Pythagore y reste pendant 22 ans et étudie la plupart des matières. A Thèbes, les prêtres lui auraient collé à la cuisse un disque doré d'Aton-Rê (dieu du soleil). Peu à peu, Pythagore est initié au rite d'Osiris, ce qui lui permet d'entrer dans la cour d'Amasis. Ce dernier lui propose alors de devenir son conseiller puis son ambassadeur en Grèce, offres que Pythagore décline. Il est donc toujours auprès d'Amasis lorsque le roi de la Perse, Cambyse, envahit l'Egypte et fait exécuter le pharaon. Pythagore apprend que Cambyse est soutenu par Polycrates, ancien ami d'enfance qui règne à présent en tyran sur Samos. Il est capturé et envoyé comme esclave à Babylone. Cependant Cambyse connaît la renommée de Pythagore. C'est pourquoi ce dernier est un esclave « bien lôti » : on lui donne des tâches plutôt nobles (comme veiller sur les clepsydres) et il dispose d'une certaine liberté (il a par exemple le droit de quitter la ville à condition de revenir de son plein gré, sinon quoi sa famille serait punie). Certains biographes parlent en fait d'une « prison dorée ». Il fréquente les Mages et obtient un niveau élevé notamment en mathématiques et en musique. Suite à sa rencontre avec un réformateur de la religion perse (Zarathushtra), il aurait été baptisé dans l'Euphrate. Pendant ce temps, Cambyse est mort à son tour, remplacé au trône par Darius. Après douze ans de captivité, Pythagore rencontre Démocède, le médecin de Darius. Démocède intervient alors auprès du roi et obtient la libération de Pythagore.
Pythagore rentre à Samos et commence à enseigner sans succès. Il prône l'enseignement des mathématiques comme en Egypte. Il s'inquiète du manque d'intérêt de ses concitoyens et a peur que son savoir disparaisse avec lui. Cependant, l'île est toujours contrôlée par Polycrates, qui craint que Pythagore ne répande ses idées. Il lui propose donc pour le contrôler d'être le tuteur de ses enfants, ce que Pythagore refuse. Polycrates interdit alors à Pythagore d'enseigner.
Cependant, ayant repéré un jeune homme pauvre, il lui promet une pièce d'argent par théorème qu'il apprendrait. Le jeune homme accepte et Pythagore commence les leçons, jusqu'à ce que l'élève prenne goût aux mathématiques et ne demande plus de rémunération. Alors, l'élève, sachant Pythagore aussi pauvre, lui aurait par la suite remboursé une pièce d'argent par théorème enseigné. C'est à cette période que Pythagore invente les « coupes de l'amitié » : des coupes munies à une certaine hauteur d'invisibles trous, obligeant celui qui déverse le liquide à être équitable. Il en offre un jeu à Polycrates qui se sert abondamment en vin, souillant sa tunique. Pythagore lui explique alors que comme le vin, il chutera à trop en vouloir. Peu de temps après cet épisode, Polycrates maltraite l'ambassadeur d'un de ses alliés. Il est alors tué, probablement par crucifixion.
Cela provoque une instabilité politique et Pythagore décide de partir de Samos. Il a environ 55 ans. Il passe par Sybaris, en Grèce, et arrive à Crotone, dans le sud de l'Italie. C'est là qu'il rencontre une jeune prêtresse, Théano, dont il apprend plus tard qu'elle est la fille d'un ami. Pythagore admire cette femme, parmi les plus intelligentes et cultivées de la ville. Ils se voient régulièrement, et se marient. Le jour de leur mariage, Pythagore apprend que sa mère est morte vers Delphes. Il fonde son école à Crotone avec l'aide de Théano, avec qui il aura trois filles et un fils. Contrairement à Samos, il a cette fois un grand succès, d'autant plus qu'allant contre la misogynie de cette société (ses idées lui viennent probablement de son éducation), il accepte les femmes dans ses rangs. Ses élèves se compteraient par centaines. Cependant son succès et son « féminisme » agacent ses nombreux ennemis. Passionné par ses conférences, Milon (athlète grec ayant remporté six fois de suite les Jeux Olympiques, six fois les Jeux Pythiques, sept fois les Jeux Isthmiques et neuf fois les jeux Néméens) épouse sa fille. Selon la légende, il réalise pour impressionner Milon un nouveau miracle : donner le nombre exact de poissons dans un filet fraîchement sorti de l'eau. Plus tard, Milon accueille Pythagore chez lui pour agrandir son école. Milon étant l'un des plus grands athlètes de l'époque, le mariage donne à Pythagore encore plus d'influence, mais aussi de plus en plus d'ennemis. Certains voient ses élèves comme une nouvelle aristocratie, d'autres les jalousent car ils ont échoué au test d'entrée. Ces critiques augmentent lorsqu'un homme se suicide après avoir été refusé comme élève. Les anciens commencent à fonder leurs propres écoles dans les autres villes, développant des codes pour se reconnaître. La critique s'étend ainsi à ces villes, notamment Sybaris.
A Sybaris, la peur d'une prise de pouvoir par les pythagoriciens mène à leur persécution et ils se réfugient à Crotone. Télys, dirigeant du parti populaire de Sybaris, demande alors au conseil de Crotone la livraison de centaines de réfugiés. Le conseil accepte d'abord puis refuse après l'intervention de Pythagore. Les deux villes entrent en guerre, Crotone gagne facilement et Sybaris est rasée et noyée. En représailles, un noble de Crotone ami de Sybaris, Cylon, soulève le peuple crotonois contre Pythagore. La maison de Milon est brûlée pendant une réunion, et rares sont les pythagoriciens qui en réchappent. A partir de là, la fin diverge fortement selon les biographes. Selon certains, Pythagore meurt dans l'incendie ; selon d'autres, il s'enfuit à Métaponte où il jeûne pendant quarante jours avant de mourir dans le temple des Muses ; une autre version encore le fait survivre et enseigner en cachette de nombreuses années en Italie...

Fonctionnement de la congrégation pythagoricienne
Comme on l'a dit, la secte n'est pas interdite aux femmes. Autre marque distinctive à l'époque, probablement sous l'influence égyptienne, elle n'est pas non plus fermée aux étrangers. Cependant, la société reste secrète. Les postulants subissent des tests très stricts, autant sur leur savoir que sur leur éducation ou leur famille. Puis au bout de trois ans, le membre devient un disciple exotérique : il est tenu au silence et doit se tenir derrière un rideau en écoutant les leçons du maître sans intervenir. Ce n'est qu'au bout de cinq ans supplémentaires qu'il devient un membre à part entière.
Il était interdit de prononcer le nom du maître, ce que certains voient aussi comme marque de sa modestie. Levés avec l'astre d'Apollon, les disciples devaient se remémorer toute la journée précédente, parfois celle d'avant, pour exercer leur mémoire. Puis ils se promenaient et recevaient une première leçon au temple. Ils pratiquaient ensuite des exercices physiques et des soins corporels et déjeunaient avec du pain et du miel. Ensuite, ils parlaient politique. Le soir, après une promenade, ils se remémoraient la journée. Puis venait un bain suivi d'un dîner collectif par tables de dix (symbole pythagoricien). Le plus jeune lisait un poème d'Homère ou d'Hésiode. Enfin, il y avait une prière collective. Les disciples rentraient alors chez eux et pratiquaient un dernier exercice mémoriel avant de dormir.
Les pythagoriciens prônaient la mise en commun des biens. De même, toute découverte était attribuée au maître, ce qui explique qu'on ne sait pas réellement ce que Pythagore a découvert lui-même. L'enseignement comprenait la musique, la philosophie, les mathématiques et les sciences physiques et naturelles.

Pythagore peut donc apparaître comme un gourou. Cependant, on peut lui reconnaître d'avoir unifié les mathématiques, jusqu'alors constituées de connaissances hétéroclites et empiriques, et de les avoir élevées au dessus des besoins des marchands. Terminons avec ces mots de Porphyre : « Pythagore était le plus aimant des amis ».

Voir aussi : démonstration du théorème de Pythagore

Sources :
L'énigme Pythagore, Henriette Chardak, Presses de la Renaissance, 2007
Sur les traces de l'Homo mathematicus, Bernard Duvillié, Ellipses, 1999
Que sais-je ? Pythagore et les pythagoriciens, Jean-François Mattei, Presses universitaires de France, 1993.