Vous voici en train de boire avec votre ami, et il vous faut partager le liquide dans les deux verres, en étant bien sûr équitable. Tout le monde sait que le partage ne sera jamais parfaitement égal. Le tout n'est donc pas que chacun ait la même part que l'autre, mais que chacun soit content de sa part. C'est ce qui justifie l'algorithme suivant : vous servez les deux verres. N'ayant pas connaissance du choix prochain de votre ami, vous vous efforcez donc - par honnêteté, mais aussi par intérêt pour vous-même - d'être aussi juste que possible. Puis votre ami choisit l'un des deux verres, éventuellement celui qui lui semble le plus rempli. Vous prenez le verre restant.
Ayant vous-même fait le partage, vous n'êtes pas en position de déclarer que votre verre est moins rempli. De même, votre ami ayant fait le choix, il doit être satisfait de ce dernier. Ainsi donc, vous êtes tous deux contents !
Mais la chose se complique à trois... Voyez-vous comment Alpha, Bêta et Gamma vont pouvoir partager leur boisson ?

Le départ de la procédure est identique : Alpha sert les trois verres comme celà lui semble juste - il devrait donc ensuite accepter de choisir tout verre que les deux autres auront laissé.
Si Bêta pense qu'un des trois verres est le mieux et que Gamma a des vues sur un autre des verres, l'affaire est réglée : ils prennent tous deux leur verre préféré et Alpha prend le dernier.
Mais si Bêta et Gamma pensent que le même verre A est le mieux rempli, la situation est plus délicate. Demandons-nous alors lequel des autres verres (B et C) ils préfèrent. S'il s'agit du même, disons B, la situation est simple : Bêta et Gamma n'ont qu'à remélanger A et B comme s'ils n'étaient que deux, et Alpha prendra C.
La situation la plus délicate est donc celle-ci : Bêta et Gamma s'accordent pour dire que A est mieux rempli, cependant le deuxième verre est B selon Bêta et C selon Gamma. Dans ce cas, Bêta doit reverser une partie de A dans B de manière à juger ces deux parts égales. Le choix revient finalement à Gamma :
- S'il estime toujours que A est le meilleur verre, il le prend. Puis Bêta se devra d'accepter B puisqu'il a fait le partage entre les verres et Alpha doit accepter C pour la même raison.
- Si Gamma estime à présent, la redistribution entre A et B ayant été faite, que B est mieux que A, il va prendre B. Comme précédemment, Bêta sera alors content avec A et Alpha avec C.
- Il se peut enfin qu'après cette redistribution, Gamma estime finalement que le meilleur n'est plus A ni B mais C. Alors Alpha sera heureux avec B (puisqu'il devait l'avoir rempli autant que les deux autres verres et qu'en plus B a depuis reçu un supplément) et Bêta prendra A qu'il a équilibré lui-même.
Et voilà, la logique au service de la diplomatie !

Source :
Jeux mathématiques, G. Gamov et M. Stern, Dunod, 1967