L'autrichien Georg Alexander Pick était professeur de mathématiques. Né le 10 août 1859, il publia en 1899 De la géométrie à la théorie des nombres, où il proposa la formule suivante. Il publia également environ 70 articles, traitant de géométrie différentielle, mais mourut le 26 juillet 1942 dans un camp de concentration nazi (Theresienstadt).

Imaginez une planche sur laquelle on a planté des clous formant un quadrillage à maille carré. Avec un élastique que vous enroulez autour de certains clous, vous formez un polygone. On note i le nombre de clous à l'intérieur de ce polygone, c le nombre de clous sur le bord du polygone et A l'aire du polygone (l'unité étant un carré du quadrillage). Alors si le polygone n'est pas croisé et s'il n'a pas de « trou », on a la formule : A = i + c/2 - 1.

Pour la démontrer, on remarque d'abord que si elle est vraie pour deux polygones et si on colle ces deux polygones sans les superposer, elle reste vraie (c'est ce qu'on appelle un « invariant de découpage »). Soient P1 et P2 deux polygones dont on suppose qu'ils vérifient la formule : A1 = i1 + c1/2 - 1 et A2 = i2 + c2/2 - 1. On colle ces deux polygones pour obtenir le polygone P. Soit x le nombre de clous qui sont sur la frontière de P1 et P2. Notons que parmi eux, 2 sont aussi sur le contour de P (les deux qui délimitent la zone de contact) et les autres n'y sont pas.
Alors les clous du contour de P sont :
    - les clous sur le contour de P1 qui ne sont pas sur la frontière (il y en a c1 - x)
    - les clous sur le contour de P2 qui ne sont pas sur la frontière (il y en a c2 - x)
    - les 2 clous de la frontière qui sont aussi sur le contour de P. On en déduit : c = c1 + c2 - 2x + 2
Les clous intérieurs à P sont :
    - les clous intérieurs à P1 (il y en a i1)
    - les clous intérieurs à P2 (il y en a i2)
    - les clous qui étaient sur la frontière mais pas sur le contour de P (il y en a x - 2)
On en tire i = i1 + i2 + x - 2
Et alors : i + c/2 - 1 = i1 + i2 + x - 2 + c1/2 + c2/2 - x + 1 - 1 = i1 + i2 - 2 + c1/2 + c2/2 = A1 + A2
Comme les deux polygones ne se superposent pas, on peut ajouter les aires : i + c/2 - 1 = A. P vérifie encore la formule.

Dès lors, en remarquant que les polygones non croisés et sans « trou » peuvent se décomposer en plusieurs triangles rectangles, il suffit de montrer que la formule est vraie pour tout triangle rectangle. Supposons qu'elle soit vraie pour un rectangle et prenons un triangle rectangle T. Alors en lui accolant sur l'hypoténuse son image par rotation d'angle 180°, on obtient un rectangle vérifiant A = i + c/2 - 1. Soit d le nombre de clous sur la diagonale de ce rectangle (c'est-à-dire sur l'hypoténuse de T) sauf les deux extrémités (elles sont sur le contour). Pour chacun des deux triangles, les point intérieurs sont la moitié des points intérieurs du rectangle auxquels on a enlevé ceux de la diagonale : iT = (i - d)/2. Les points du contour des triangles sont la moitié de ceux du rectangle plus ceux de la diagonale hors extrémités plus un (car un des sommet du rectangle n'a pas été compté) : cT = c/2 +1 + d.
On a alors : iT + cT/2 - 1 = i/2 - d/2 + c/4 + 1/2 + d/2 - 1 = i/2 + c/4 - 1/2 = (i + c/2 - 1)/2 = A/2 = AT. Et la formule est donc vraie pour le triangle rectangle T.

Pour que notre formule soit juste, il faut donc la démontrer pour les rectangles. Soit un rectangle de largeur a et de longueur L. En dehors des quatre sommets, il a donc (a - 1) clous sur la largeur et (L - 1) sur la longueur. D'où : i = (a - 1)(L - 1). De plus, on a c = 2(a - 1) + 2(L - 1) + 4 = 2a + 2L.
Et alors i + c/2 - 1 = (a - 1)(L - 1) + a + L - 1 = aL - a - L + 1 + a + L - 1 = aL. Or aL est exactement l'aire du triangle.
La formule est donc démontrée !

Une propriété semblable : Sommets, arêtes et faces.

Sources :
Les malices du kangourou Collèges, ACL-Les éditions du Kangourou, 2001
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